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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 22:06

 

 

 

 

 

 

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File0001.jpg Les mpihira gasy perpétuent depuis plus de cinq siècles une expression unique au monde, qui s'apparente au théâtre et à l'opéra. Ils véhiculent ce culte des ancêtres dans les textes de leurs chansons, dans les fomba et les rites cérémoniels d'inauguration d'une nouvelle pièce ou d'une scène, et dans leurs kabary (discours).

Leur art est un art populaire, car tous sont paysans autant qu'artistes, autodidactes, pauvres, solidaires. Le public est d'abord composé des riziculteurs et éleveurs des campagnes malgaches, et aussi des travailleurs de l'économie informelle, des pauvres, des ouvriers des villes. Leur scène est avant tout la terre malgache, rouge sombre, au centre des rizières. L'espace scénique est défini par le cercle que forme le peuple dont ils sont issus, assis autour d'eux.

 

 

Photo et texte extrais du livre de Emeline RAHOLIARISOA et DIDIER MAURO "Parole d'ancêtre merina" Edition ANAKO






 

 

 

Voici un très beau conte se rapportant au fondateur de la forme évolué du hira gasy, le danseur Tsingory.

Cette histoire est enseignée dans les écoles publiques, beaucoup d'enfants la connaissent.

Tsingory a certainement existé, mais il  est surtout devenu un personnage mythique, une référence du patrimoine culturel Malgache.

 

 

Le danseur et l'oiseau du roi

 

Tsingory était un jeune garçon qui dansait tout le temps. Un jour qu'il gardait les zébus, il tua par accident un oiseau du roi alors qu'il s'entraînait au lancer du javelot. Lorsque la mort de l'oiseau royal fut découverte, les soldats se lancèrent à la recherche de celui qui l'avait tué pour le présenter au monarque et le mettre à mort.

Effrayé, Tsingory se réfugia chez sa mère qui l'enroula dans une natte pour le cacher. Les soldats passaient de maison en maison et demandaient : "Est-ce ici que se cache celui qui a tué l'oiseau du roi ?"

Puis le roi lui-même, Andrianampoinimerina, vint demander : "Où est Tsingory ?" N'obtenant pas de réponse et sachant l'effet que faisait la musique sur Tsingory, il fit venir ses musiciens qui jouèrent tant et si bien que le jeune garçon, qui aimait tant la danse, fut attiré, fasciné, sortit de sa cachette et se mit à danser devant le roi, les soldats et la foule.

Les soldats voulurent se jeter sur lui, mais Andrianampoinimerina les arrêta d'un geste.

Il dit : "Laissez Tsingory danser." Et il le regarda longuement, demandant aux musiciens de jouer encore.

Puis le roi se leva, accorda sa grâce à Tsingory et en fit le principal danseur de la cour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les textes étonnants écrits par les villageois autodidactes forment une littérature qui n'est plus seulement orale puisque,dans les hameaux, les auteurs conservent souvent les cahiers usés par le temps et l'humidité dans lesquels sont consignées les dernières

versions des chansons. Ces cahiers renferment la mémoire d'un patrimoine inestimable.

Et dans toutes les villes de la Grande Ile, sur les marchés, on peut entendre les chansons de  hira gasy, diffusées par le biais des cassettes, principalement des copies pirates, qui

font le tour du pays. Beaucoup de chanteurs célèbres ce sont inspirés des textes hira

gasy pour leurs chansons. (Rossy, Mahaléo)

 

Ces artistes sont pauvres mais cèlèbres: chaque troupe se produit, en moyenne, devant
un demi-million de spectateurs par an... et Madagascar compte plus de quatre
vingt compagnies... l'audiance des mpihira gasy ne cesse de s'étendre et de rencontrer
de nouvelles couches sociales, la Radio nationale et la Télévision malagasy aidant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 










l'art hira gasy est l'art national par excellence depuis que, à la fin duXVIII° siècle,le monarque éclairé et égalitariste Andrianampoinimerina conçut le  dessein d'unir tous les peuples de la Grande Ile en un seul royaume et éleva les troupes d'artistes paysans qui pratiquaient un art  connu dès le XVe siècle au rang de mpihiran'ny anâriana, "chanteurs du Roi".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ramilison et sa troupe en novembre 2004 à Antananarivo

 

 

 

 

 

 

 

"Pendant la période coloniale, le hira gasy était mal considéré, et souvent réprimé par les autorités. Les prêtres et les missionnaires arrivés dans les fourgons du corps expéditionnaire français vouaient une haine intense à notre religion des ancêtres et aux cérémonies de famadihana. Le hira gasy était perçu comme un concurrent des églises, car il drainait des foules bien plus considérables que les messes et les rituels chrétiens.

L'administration coloniale surveillait de près les troupes de mpihira gasy, considérées comme des organisations subversives. Il est vrai que les textes des chansons - auxquels les colons ne comprenaient rien, puisqu'ils étaient écrits et chantés en malgache - reflétaient une irrévérence et une rébellion permanentes. Les anciens rois malgaches et la souveraineté nationale étaient évoqués avec nostalgie. Le hira gasy a véhiculé l'esprit de la révolte et perpétué les valeurs fondamentales de la culture malgache durant les huit décennies d'occupation coloniale.

Depuis I960, les artistes mpihira gasy ont participé à toutes les évolutions historiques de la société. L'accession à l'indépendance en I960, la révolution de 1972, la malgachisation, la République démocratique et le projet socialiste de 1975, la IIIe République.

Depuis l'indépendance, à part durant la brève parenthèse révolutionnaire - avant que les délices du pouvoir ne corrompent les jeunes dirigeants -, rien n'a changé à Madagascar. Les riches prospèrent, tandis que les pauvres voient leur situation empirer.

Souvent nous en parlons quand les troupes se rassemblent, et les mêmes questions reviennent : pourquoi notre pays vit-il ainsi"

 

Un art de résistance

Les colonialistes nostalgiques vantent "l'apport civilisateur de la colonisation". En fait, la colonisation n'a apporté que de nombreux problèmes à notre pays. Elle a bouleversé la vie des Malgaches qui, pendant cette longue période, ont été (à part les serviteurs des nouveaux maîtres) plutôt malheureux.

Les faits suivants font partie de mon vécu ou de récits d'anciens que j'ai entendus. Très rapidement, dès la fin du XIXe siècle, l'administration coloniale a obligé les Malgaches à céder leurs terres au profit des étrangers. Puis, lors de la Première Guerre mondiale, des Malgaches ont été enrôlés de force et envoyés en Europe. Nombreux sont des soldats inconnus. Peut-être est-ce l'un de nos compatriotes qui repose place Charles-de-Gaulle, sous l'Arc de triomphe à Paris ? Leurs corps n'ont jamais été retrouvés, comme celui de mon oncle paternel, mort au front. Notre famille a dressé une vatolahy, une "pierre levée" à sa mémoire dans mon village natal, Ambatokely.

Pendant la période coloniale, les Malgaches ont aussi été soumis à des travaux forcés pour construire les routes et voies ferrées, les bâtiments administratifs, les hôpitaux, etc. Alors, lorsque certaines personnes expriment leur nostalgie ou vantent "ce que les Blancs ont laissé"... il faut préciser que tout ce qu'ils ont laissé matériellement a été construit par le travail de notre peuple et avec les matières premières de notre pays. En fait, comme ils ont emporté tout ce qu'ils ont pu en partant... ils n'ont "laissé" que ce qui était intransportable par avion et bateau : les routes, les chemins de fer, les immeubles.

Il y avait aussi, à l'époque dont je parle, les impôts créés pour financer l'administration coloniale, et qui humiliaient beaucoup les villageois. Les "milices aux chapeaux rouges" vérifiaient si les chefs de famille avaient bien acquitté leur impôt. En cas de non règlement, les hommes - sans considération d'âge - étaient punis et humiliés immédiatement : on les forçait à marcher agenouillés sur une distance d'au moins trois cent cinquante mètres sur des pierres très pointues. Ils revenaient les jambes en sang.

Les Malgaches ont vécu une sévère oppression sous la colonisation. À l'ouest d'Antananarivo, la ville d'Ankadinondry est l'un des lieux qui en conservent la mémoire. On l'appelle "Vazahan' Ankadinondry" (Ankadinondry des étrangers).

Le sort des mpihira gasy dépendait du chef de district. Il exerçait une censure sur les spectacles de hira gasy, il fallait sous ses ordres introduire dans nos chansons les mots "liberté, égalité, fraternité" (sur ce point, nous n'avions rien à redire, puisque, précisément, ces trois mots signifiaient pour nous autodétermination, indépendance, souveraineté !) et des louanges à la France, la "mère patrie". Après quoi, il fallait lui offrir un bouquet de fleurs.

Mais dès que c'était possible, lorsque les interprètes a la solde du colonisateur avaient le dos tourné, les artistes, dans leurs chants, reprenaient des thèmes où l'insolence rejoignait la subversion indépendantiste pour la plus grande joie du public.

Tout cela, je l'ai vécu.

 

Propos de Tarika Ramilison dans "Parole d'ancêtre Mérina" Editions Anako

 

(*) pour en savoir plus sur "le code de l'indigénat " édicté en 1844 par le Général Bugeaud

 

 

 

 

 

 

 

 


Au premier plan, Perline, fille de Ramilison en novembre 2004.

Elle décèdera de la typhoïde le 22 décembre 2007. 

 

 

 

 

 

 

Voir les liens:  

                        La tribune

            http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Perline_Razafiarisoa&oldid=31916993.

 

 

 


Tous les ans, chaque troupe présente au moins une chanson inédite, et, dès la première représentation de la saison théâtrale du hira gasy, les femmes doivent porter une nouvelle robe. C'est une tradition, et aussi une obligation  un devoir envers le public  car le prestige d'une compagnie est d'abord fondé sur les textes de son répertoire, sur les musiques, les chorégraphies, la mise en scène et aussi la beauté de ses costumes féminins.

Les chansons sont le plus souvent conçues et écrites par les chefs de troupes et les mpikabary. 

Jusqu'en 1993, Ramilison a élaboré les textes du répertoire de sa troupe. Depuis 1994, ses fils Jean-Félix Edson Ranaivoarison et Zézé-Alain Ramiliarison lui ont succédé en tant qu'auteurs.

                                                              

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet art est aussi un art sacré : les plus majestueux et les plus festifs des spectacles ont lieu lors des famadihana, ces cérémonies, elles aussi spécifiquement malgaches, au cours desquelles, tous les cinq ans, les défunts de la famille élargie sont exhumés lors de grandes fêtes. À cette occasion un suaire neuf, le lambamena, est offert à chacun d'entre eux. Un famadihana sans le concours de troupes de hira gasy est inconvenant pour la mémoire des ancêtres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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À l'époque du royaume de Madagascar

 

Hira gasy peut être traduit par "art malgache", et, de fait, l'expression artistique que nous perpétuons est liée à tous les tumultes de l'histoire de notre pays.

Le roi Andrianampoinimerina a entrepris le premier l'unification de l'île. "Madagascar est indivisible, les mers sont mes digues", disait-il.

Après Andrianampoinimerina, au XIXe siècle, son fils Radama Ier puis l'une des épouses de celui-ci, Ranavalona 1ère se sont succédé au palais de Manjakamiadama et ont poursuivi son œuvre. Madagascar s'édifiait sur le plan législatif, administratif et économique. L'histoire de ces monarchies est maintenant écrite.

Avant la venue des étrangers, l'État malgache existait donc déjà, avec ses lois, ses ambassades itinérantes en Angleterre, en Allemagne, en France, et même en Amérique.

Le hira gasy, à cette époque, connaissait déjà deux publics : les spectateurs originels des villages et la cour. On raconte que ce qui était chanté dans les villages était bien plus irrévérencieux que les spectacles présentés à la cour.

 

 

 

 

 

 

 

 

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           Préparatifs avant le spectacle.

 

 

 

 

 

 

 

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Par des mots simples et facile à capter, l’« opéra paysan » touche toutes les couches de la population, surtout en milieu rural. C’est pourquoi il a toujours été un instrument de sensibilisation important, il participe aux grandes campagnes d’information civique à travers le pays, que ce soit contre le sida, l’alcoolisme ou la violence conjugale.
« Les mpihira gasy touchent le cœur des gens, car ils parlent le même langage qu’eux, estime Tarika Ramilison. Je me souviens d’un homme qui est venu me voir il y a quelques années pour me dire que grâce aux paroles du hira gasy, il s’était réconcilié avec sa famille. C’est cette action concrète qui me donne le sentiment de n’avoir pas perdu mon temps ».











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       Ando danseuse Ira Gasy et petite fille de Ramilison.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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       Ernest artiste paysan du village de Mandrosoa.

 

 

 

 

 

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